L’origine des bienfaits du Yoga

Quand on pratique correctement le Yoga, on constate qu’à la fin d’une séance on se sent mieux, tant dans son corps que dans son esprit. On ne se l’explique pas, mais pourtant on le ressent très clairement. Et cette sensation de bien-être s’accompagne d’une joie profonde : la conviction d’avoir trouvé une discipline naturelle qui nous permet de faire quelque chose de bon pour soi.

Parfois, telle personne me dit à la fin du cours : « J’avais mal au dos et je me sentais stressée. Et maintenant, cela a disparu. Je me sens mieux. C’est magique ! » Cet enthousiasme et cette joie qui me sont confiés me font toujours profondément du bien à entendre et à partager. Pourtant, il n’y a aucune magie là-dedans. Et je voudrais ici vous donner un éclairage sur l’origine des bienfaits de la pratique.

1. L’UNITE FONDAMENTALE DE LA PERSONNE

Nous sommes, sans le savoir, les héritiers d’une Histoire, d’une culture qui nous imprègnent d’autant plus fortement que nous ne les identifions pas.

La conception de l’être humain sur laquelle repose notre société sépare arbitrairement le corps et l’esprit. Et cette séparation se double d’une hiérarchisation : Il y aurait d’un côté ce qui est noble, digne : la pensée, et de l’autre ce qui est inférieur, impur : le corps. Cette conception de l’être humain est magnifiquement énoncée par Descartes : « Je pense donc je suis ».

Or, nous n’existons pas ainsi, séparés, saucissonnés et ennemis d’une partie de nous-même. Le Yoga nous permet précisément de faire l’expérience de la totalité de notre être, l’expérience de notre unité fondamentale : union du corps et de l’esprit, mais aussi union de l’être humain avec les autres êtres, et enfin plus largement, union avec la nature et le cosmos.

Cette expérience de notre unité, nous la faisons chaque fois que nous pratiquons ensemble. Et je voudrais, pour vous la faire toucher du doigt, prendre pour référence ce qui se passe lorsque l’on s’installe dans une posture.

2. L’ENGAGEMENT TOTAL DE L’ETRE

Les postures ne sont pas simplement des postures. Ou plutôt, s’installer dans une posture c’est engager, sans s’en rendre compte, son être entier. Une attitude corporelle incorrecte sera instable, ne permettra pas à l’énergie de circuler correctement et mettra la personne en contact avec des états mentaux troublés, agités. Inversement, une posture, donc une attitude corporelle correcte, favorisera le fonctionnement harmonieux de notre organisme et assurera, dans le même temps, une distribution correcte de l’énergie qui permettra à l’esprit de se stabiliser, de se clarifier et de se poser.

Prenons simplement l’exemple des postures assises.

Il en existe de nombreuses, rendues plus ou moins difficiles par le placement des jambes. Prenez celle qui vous est le plus accessible : en tailleur, ou les jambes tendues devant vous, ou assis sur vos talons, voire même assis sur une chaise. Peu importe, l’essentiel n’est pas dans les genoux !

Maintenant, suivons ensemble le chemin qui mène à la posture. Commençons par la base.


• le placement du bassin

Le bassin est basculé, en antéversion, c’est-à-dire qu’on cherche à rétablir le creux naturel de la région lombaire (lordose). On évite ainsi au bas du dos de s’effondrer.

Ce placement correct du bassin assure la stabilité non seulement physique, l’ancrage au sol, mais aussi psychique, la connexion au monde réel. Sans un tel positionnement, l’esprit serait tremblant et vacillerait comme la flamme d’une bougie ballotée par le vent. Instable, l’esprit serait alors la proie de l’anxiété et de la nervosité, souvent expérimentées de nos jours.

Une fois le bassin placé, il est alors possible d’étirer la colonne vertébrale.

• l’étirement de la colonne

Pour installer cet étirement, on imagine qu’on repousse le ciel avec la voûte du crâne. Cet étirement de la colonne rend instantanément possible une respiration correcte, abdominale et spacieuse.

Pour percevoir les bienfaits de cet étirement, considérons une personne dont le dos est bien droit : il se dégage alors d’elle une prestance, une incontestable noblesse. Cette extension révèle ainsi la dignité fondamentale de notre condition humaine. Ce n’est donc pas simplement une attitude élégante, une apparence séduisante : cette personne est réellement en contact dans son esprit avec cette dimension noble de l’être humain.

Il est donc essentiel, pour des raisons tant physiologiques que psychologiques, d’assurer une extension verticale de la colonne vertébrale.

Par ailleurs, grâce à cette extension, je suis centré. J’ai trouvé mon axe intérieur. Je peux alors être à l’écoute de ce qui se passe en moi, mes sensations, mais aussi mes aspirations profondes. Je sais ce que je veux, ce à quoi j’aspire, vers quelles activités je veux orienter ma vie.

Grâce à cette attitude physique verticale, élancée, je crée en moi les conditions d’une rectitude morale, d’une droiture intérieure. Je suis mon propre souverain, ancré dans la terre, mais aussi étiré vers le ciel.

A contrario, prenons une personne avachie, écroulée, tassée : sa respiration est courte, presque haletante, sa digestion est perturbée et son esprit instable, en proie à l’abattement et troublé de mille pensées qui se télescopent.

Voilà pourquoi il est bon d’installer et de maintenir cette attitude corporelle juste.

Dès lors, les épaules peuvent être rejetées en arrière.

• L’ouverture de la de la cage thoracique.

Le rejet des épaules en arrière efface la bosse du haut du dos qui ne manque pas de s’installer insidieusement si nous n’y prenons pas garde.

Une attitude corporelle incorrecte favorisera des états mentaux et moraux non harmonieux. Ainsi, quand on est voûté, la poitrine rentrée, on se sent replié sur soi, dans une attitude défensive, tel un boxeur qui aurait déjà pris des coups et craindrait leur redoublement. On est craintif, méfiant vis-à-vis des autres personnes et vis-à-vis du monde en général, perçu comme une menace. On croit que la vie est dure, écrasante, et que de ce combat on ne sortira qu’en ayant été broyé soi-même, ou en ayant détruit autrui. Le dos voûté, on semble porter le poids du monde sur nos épaules. Tel Atlas, on croule sous le fardeau des responsabilités et de la peine. Cette façon d’envisager la vie est certes celle de nombreuses espèces animales, mais ne saurait être celle d’un être humain.

En corrigeant mon attitude physique, je me donne la possibilité d’expérimenter des états mentaux plus élevés et plus justes. Ainsi, en rejetant les épaules en arrière, je m’ouvre : j’ouvre ma poitrine et j’ouvre mon esprit. Je fais face au monde, je peux percevoir les phénomènes dans leur nature authentique, et ne plus être le jouet des apparences, des illusions. La poitrine ouverte, je m’ouvre au monde et aux autres êtres. Je peux alors être dans une relation harmonieuse, juste. Mon cœur aussi est plus ouvert, je peux être pleinement attentif aux autres, protecteur, bienveillant, aimant. Mes qualités humaines peuvent pleinement se manifester.

3. FAIRE VIVRE LA PRATIQUE

Ces trois composantes d’une posture assise sont indissolublement liées et se placent dans un certain ordre : c’est parce que je suis ancré dans la terre, que je peux être centré et ouvert aux autres. Vouloir ouvrir la poitrine sans avoir préalablement étirer la colonne et placé le bassin serait tout aussi vain que de se soucier de placer la girouette sur le toit d’une maison avant de s’être préalablement assuré de la verticalité des murs et de la solidité des fondations.

La mise en œuvre de ces trois aspects de la posture, il est nécessaire de ne pas les réserver uniquement au temps du cours collectif, même si, bien entendu, il est préférable de pratiquer une heure et quart par semaine plutôt que pas du tout. Dans la mesure où le Yoga se propose de réaliser l’unité de l’être sous ses différentes facettes, il est nécessaire de ne pas séparer notre pratique de notre vie quotidienne. Bien au contraire, elle doit l'irriguer, la fertiliser jour après jour. Pour cela il suffit d’en respecter les principes fondamentaux dans chaque situation : attitude corporelle juste, respiration juste, attitude mentale juste. Actualiser votre pratique, déclinez-la, ne la momifiez pas dans un musée, mais faites la vivre au jour le jour dans chacun de vos actes quotidiens.

Le déploiement des bienfaits physiques, mentaux et moraux d’une posture ne pourra se manifester que si elle est conservée durant un temps suffisant. Une attitude qui serait maintenue moins d’une minute serait précaire. Le corps et l’esprit seraient maintenus dans un état d’agitation, d’instabilité dont ils souffrent déjà au quotidien. Une telle attitude constituerait peut-être un exploit sportif, une prouesse basée sur un effort violent, comme l’impulsion d’un sauteur à la perche, mais elle ne saurait garantir un ancrage, un centrage et une ouverture nécessaire à une vie épanouie.


Sans doute, je ne vous ai rien appris ici. Et je n’ai souhaité que mettre des mots sur une expérience que chacun d’entre nous éprouve dans le secret et l’intimité de sa pratique. J’espère simplement avoir pu éclaircir un peu cette question qui m’est posée parfois: « Comment se fait-il que le Yoga fasse du bien ? »